En 1946 l’Abbé Martin BÉHÉ, bâtisseur de l’église de l’Emm, écrit dans son ouvrage Le Monument de Reconnaissance du « Souvenir alsacien : « Les orgues, hélas ! font encore défaut ». Un projet était alors en route mais comme tant d’autres, il ne put malheureusement voir le jour. Aujourd’hui cette phrase n’est fort heureusement plus d’actualité. Un instrument digne de ce magnifique édifice qu’est l’église de l’Emm est désormais venu combler cette malheureuse lacune.

 

L’orgue Stiehr de l’ancienne chapelle de l’Emm

J.-J. Waltz, Ancienne chapelle de l’Emm, 1909.En 1864, lorsque le facteur d’orgues STIEHR de Seltz livre son instrument pour la chapelle de l’Emm, Breitenbach, Metzeral, Sondernach ne forment qu’une seule et même paroisse dont Muhlbach est le siège. Jusqu’à la création de la paroisse de Metzeral-Sondernach, en 1900, l’ancienne chapelle n’est alors qu’une annexe de l’église de Muhlbach.

La décision de construire un orgue est prise dans le cadre d’importants travaux exécutés à la chapelle en 1858 et 1862. L’histoire de cet instrument est relatée en la séance du conseil municipal de Sondernach du 15 mai 1867 : la soumission du projet Stiehr du 18 février 1863, montant à 3500 francs, est approuvée par le préfet le 3 mars 1863. L’orgue Stiehr est reçu le 16 mai 1864 et le procès-verbal approuvé le 12 juillet 1864.

Metzeral, l’une des plus importantes communes de la vallée après Munster avec 1589 hab. supporte la majeure partie des contributions, puis Breitenbach, Sondernach et enfin Muhlbach. Vu le prix, 3500 francs, il devait s’agir d’un instrument assez modeste à un clavier et pédale avec une petite dizaine de jeux.

D’après le chanoine F. X. MATHIAS, organiste de la cathédrale de Strasbourg de 1898 à 1908, cet orgue est transformé, plus vraisemblablement reconstruit en 1903 par la maison Roethinger. Il est détruit en même temps que la chapelle lors des terribles combats de juin 1915.

 

L’orgue provisoire de la nouvelle église votive

La nouvelle et actuelle église, également mémorial du souvenir, a été construite à l’initiative du curé Martin BÉHÉ et consacrée en 1931. Les plans de l’architecte Paul KIRCHACKER indiquent clairement, dès le départ, un emplacement réservé à l’orgue (au niveau des cinq verrières sous la rosace, seuls vitraux de l’église effectivement non-figuratifs).

Malgré la disparition d’une grande partie des archives de la paroisse, divers documents et plans témoignent des nombreux projets de nouvel orgue ébauchés entre 1930 et 1950. Aucun d’eux n’aboutit.
Ainsi MATHIAS évoque dans son Compte-rendu un projet d’orgue (présenté comme déjà installé) de 22 jeux, 2 claviers, à traction pneumatique par Roethinger en 1934.

Plus tard, en 1946 l’Abbé Martin BÉHÉ s’enthousiasme : « […] dès maintenant, on prévoit l’achat d’un orgue comprenant 18 jeux réels, 1 jeu composé, répartis sur deux claviers de respectivement 56, 68 notes, et un pédalier de 30 notes, donnant 1294 tuyaux. Le prix est fixé à 2 millions, par la Manufacture G. Schwenkedel, de Strasbourg ».
Des plans d’orgue sont même esquissés, ainsi celui des Ateliers d’arts décoratifs Camille Rudmann & Fils à Colmar-Logelbach ou encore celui de la Manufacture des Grandes-Orgues d’Ammerschwihr (Rinckenbach), probablement inspiré du premier projet, tous deux non datés.

Projet Ateliers d’arts décoratifs Camille Rudmann & Fils à Colmar-Logelbach, s.d.  Manufacture des Grandes-Orgues d’Ammerschwihr, s.d. 

 

Finalement les ambitions sont considérablement revues à la baisse et on se contente durant une vingtaine d’années d’un harmonium pour accompagner les offices. Enfin vers 1949 la paroisse s’adresse à Edmond-Alexandre Roethinger qui leur fournit un petit orgue d’occasion de 9 jeux, façade en zinc, à transmission électro-pneumatique. D’après Jean MARTINOD, il a été construit en 1934, mais les archives, manquantes, ne permettent pas de confirmer cette date. 

Orgue E.-A. Roethinger

    Grand-orgue 56 notes

    Montre 8'
    Prestant 4'
    Doublette 2'

    Récit expressif 56 notes

    Bourdon 8'
    Flûte 4'
    Nasard 2'2/3
    Cymbale 3 rgs

    Pédale 30 notes

    Soubasse 16'
    Basse 8' (issue de la soubasse)

    Accouplements et tirasses

    G.O./G.O. en 4’
    G.O./Récit en 16’, 8’, 4’
    Péd./G.O.
    Péd./Récit
    Transmission électrique, Sommiers à Cônes.
 

 

L’ancien orgue E-A Roethinger en 2003.

L’instrument est béni le 5 février 1950 (fête patronale St Blaise) en présence du doyen de Munster l’Abbé HORN et du vicaire l’Abbé BECK. C’est le jeune organiste de Mittlach, Albert HALLER qui tient les claviers.

Vers 1955, il semblerait que l’instituteur et éphémère organiste de l’Emm, SCHNEEGANS fasse poser par l’électricien Eugène WENTZO, sans consulter l’avis du curé, un redresseur électrique à l’orgue, qui n’était alors muni que d’un petit accumulateur limitant considérablement le temps d’utilisation de l’instrument. Deux relevages sont à noter : en 1960 par Paul ADAM et en 1972 par Curt SCHWENKEDEL. Ensuite, il n’a été que très parcimonieusement révisé.

 

Le nouvel orgue Brayé

Dans son rapport du 23 mars 2002, Christian LUTZ, Technicien-conseil auprès des Monuments Historiques écrit : « Tel qu’il a été conçu par Roethinger, l’orgue n’offre que des possibilités réduites. Il est de dimensions un peu limitées par rapport au volume de l’église, même si une acoustique assez généreuse permet de donner le change. Sa composition est plus celle d’un orgue d’accompagnement et ne permet pas d’aborder la plus grande partie du répertoire. Il est dépourvu de tout jeu d’anches et ne permet pas d’interpréter la musique française, que ce soit celle des XVIIème et XVIIIème s. comme celle des XIXème et XXème s. ».

Excluant la plus grande partie du répertoire pour orgue, la solution devait passer par la construction d’un nouvel instrument permettant d’assurer convenablement le service du culte mais aussi d’ouvrir le répertoire à la musique de concert.

En novembre 2001, sous l’impulsion d’un généreux donateur et avec l’appui décisif du Dr André KAESSER, Maire de Metzeral, se créée l’Association des Amis de l’Emm, présidée par M. Jean-Marc MAECHLER, 1er adjoint au Maire, qui se donne pour but de mener à bien ce projet. Après délibération (7 mai 2003), le projet est confié au Maître Facteur d’Orgues Hubert BRAYÉ de Mortzwiller. L’expert chargé du dossier est René KIENTZI, malheureusement décédé dans un accident de voiture au cours de l’été 2004. Maurice MOERLEN, ancien organiste des Grandes-Orgues de la Cathédrale de Strasbourg et expert diocésain, lui succède.

Le nouvel orgue Brayé © S. Wernain, 2011.

L’inauguration du nouvel orgue a lieu le dimanche 3 juillet 2005. La Grand-Messe du matin est présidée par Mgr Joseph DORÉ, archevêque de Strasbourg, concélébrée par l’Abbé Jean-Luc FRIDERICH, avec la participation de membres des chorales de la vallée de Munster placés sous la direction de Jean-Paul WERNAIN. Au nouvel orgue, Samuel WERNAIN, organiste de la paroisse.

Pascal Reber, inauguration de l’orgue Brayé © A. Thiry, 3 juillet 2005.Le concert inaugural est donné dans l’après-midi par Pascal REBER, organiste titulaire du Grand-Orgue de la cathédrale de Strasbourg. Ce dernier réussit, par le choix des pièces interprétées (J.-S. Bach, F. Mendelssohn, J. Brahms, C. Franck, L. Vierne et J. Langlais), en parfaite adéquation avec l’esthétique sonore de l’instrument (voir la fiche technique), à démontrer l’incontestable réussite du facteur d’orgues Hubert Brayé. Le concert s’est clôturé par une éblouissante improvisation sur le thème du carillon de l’église de l’Emm (Do, Ré, Mi, Sol), mettant tout à la fois en valeur les magnifiques sonorités du nouvel instrument et le talent de l’organiste de la Cathédrale.

Le Bourdon 16', la Gambe et la Voix humaine ont été posés en Décembre 2005.

L’ancien orgue Roethinger a été vendu et installé en 2009 dans l’église Saint Pierre de Caucriauville (Le Havre).

Dans un souci d’équilibre sonore, la trompette 8’ du Grand-Orgue et le Basson 16’ de la pédale ont été entièrement réharmonisés et égalisés par Hubert Brayé et son équipe (novembre 2016 et juillet 2017).