De la Chanson de Roland est née une douce et aimable légende qui se rattache à l’ancienne chapelle de l’Emm, devenue aujourd’hui, à la suite de la guerre, l’église votive de Metzeral-Sondernach. Voici la légende. Ici, comme ailleurs, du reste, l’histoire et la légende s’entremêlent et se complètent.
Charlemagne, l’illustre empereur, était non moins grand chasseur et, durant ses rares moments de repos, il trouvait son délassement favori dans la poursuite du gibier des Vosges. A l’une de ces chasses, organisée dans ses vastes propriétés du Val Saint-Grégoire, et dont l’issue faillit être fatale à la famille impériale, assistaient, avec une suite nombreuse, la princesse Emma, nièce de l’empereur, et le chevalier Roland, son neveu.
La princesse, armée de son arc richement ciselé, était postée aux bords de la Fecht. Un formidable concert, où les sons vibrants des cors de chasse se mêlaient aux aboiements sauvages d’une meute nombreuse, battait son plein. Soudain, un énorme ours déboucha d’un chemin aboutissant à la rivière. L’animal se dirigeait exactement dans la direction de la jeune chasseresse. Assurément, il voulait se jeter à l’eau, comme le font les malheureuses bêtes traquées dans les chasses à courre. Sans hésiter, et d’une main sûre, la princesse visa l’animal au cœur et le transperça d’une flèche. Fou de douleur et apercevant son ennemie, il se lança sur elle. La jeune fille allait être renversée par cette masse énorme lorsque l’ours roula foudroyé ; un cavalier ayant vu le drame, s’était précipité au bas de son cheval et venait de plonger jusqu’à la garde son couteau de chasse dans le cœur de la bête.
Remise de son émotion, la princesse tendit sa main au courageux chasseur : « Comment vous remercier, beau cousin, de m’avoir sauvé la vie ? » Le hardi chasseur, en effet, n’était autre que le chevalier Roland. Il prit la main tendue et répondit, profondément ému : « En m’accordant la main qu’avec bonheur je tiens dans la mienne !... »
Les fiançailles furent célébrées avec grande solennité. Puis, Charlemagne partit, avec ses douze pairs, à la tête d’une formidable armée contre les Basques, en Espagne. Après de rudes et fortes batailles, l’empereur, d’abord victorieux, rentra en France, laissant son neveu, avec 12.000 hommes, à l’arrière-garde. Attiré dans un guet-apens, Roland succomba au val de Roncevaux le 15 août 778.
Emma ne se consola jamais de la mort de son fiancé et mourut pieusement, après avoir fait ériger, sur la colline de l’Emm, en souvenir de Roland, un ermitage, dont elle confia la garde à un pieux ermite.
Et depuis, ajoute la légende, chaque soir, à l’heure de minuit, par les nuits sereines, l’âme d’Emma, telle une blanche vision, plane autour de la colline et fait entendre une plainte émouvante à l’adresse du vaillant Soldat qu’elle pleure toujours. Et Roland, sur un cheval blanc, à la même heure, traverse les nuées, vient à sa rencontre et renouvelle avec sa fiancée leur ascension vers le ciel…